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La descente de Guillaume le conquérant en Angleterre - Lépicié

Série de l'image :

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Date :
1764
Nature de l'image :
Peinture sur toile
Dimensions (HxL cm) :
400x845

Analyse

Livret du Salon de 1765 :

« Par M. Lepicié, Agréé.
162. La Descente de Guillaume le Conquérant sur les Côtes d’Angleterre. Guillaume, Duc de Normandie, abordé au Côtes de Sussex, exhorte son armée à vaincre ou à mourir ; et pour déterminer ses soldats par le coup le plus hardi, il fixe leur attention sur sa flotte en feu. La célèbre bataille de Hastings, qui en fut le fruit, décida du sort de l’Angleterre, et par la mort de Harold, qui y fut tué, Guillaume se vit possesseur du trône.
Tableau de 26 pieds de large, sur 12 de haut. »

Deloynes 8, 107. Critique des peintures et sculptures de messieurs de l’Académie royale. L’an 1765. (anonyme sl), p. 29 :

« Par M. Lépicié, Agréé.
La descente de Guillaume le Conquerant, sur les côtes de l’Angleterre.
On voit Guillaume, Duc de Normandie, [30] pour exhorter son Armée à vaincre ou mourir, fixer leurs regards sur sa flotte embrasée : on remarque dans ce Héros beaucoup de noblesse & de grandeur d’ame ; la composition de ce tableau est heureuse ; mais on souhaiteroit qu’il fût plus correct de dessein, mieux colorié, & de plus d’effet.
Ses deux autres tableaux sont bien dessinés & d’un bel effet. Il faudroit plus de coloris. »

Remarquer l’étrange costume romain de Guillaume, un pur costume de convention pour un tableau d’histoire. Le tableau est très difficile à photographier car un lustre est suspendu devant lui, interdisant tout recul. La droite du tableau, qu’on ne voit pas sur cette image, représente les vaisseaux en flammes de Guillaume, qui vient de débarquer en Normandie. Un soldat, complètement à droite sur la photographie, demande à Guillaume pourquoi il a brûlé les bateaux. Celui-ci, en guise de réponse, dégaine l’épée, donnant le signal de la charge pour la bataille de Hastings. L’étendard de droite, en arrière, rayé de bleu et de rose, porte l’inscription « VINCERE AUT MORI », vaincre ou mourir, qui résume le discours de Guillaume, après qu’il a brûlé les bateaux, et avant la bataille. L’enseigne verte sur la gauche porte les initiales D.O.M (?), Deus Optimus Maximus, qui pourrait faire allusion à Taranis, le Jupiter gaulois (le tableau n’est pas destiné au départ à l’abbaye où il se trouve aujourd’hui et l’allusion reste discrète). Cette hypothèse m’est suggérée par la présence à côté de l’enseigne d’un cavalier vêtu d’une dépouille de lion, qui figure indubitablement l’Hercule gaulois.
Les Normands s’avancent donc en terre d’Angleterre groupés autour de trois figures : à droite, le soldat qui interroge sur les vaisseaux en feu ; au centre, Guillaume ; à gauche, l’Hercule gaulois.
Face à eux, les soldats anglais sont représentés en bas à gauche. Sur le casque de l’un d’eux, qui n’est pas visible sur la photographie, un dragon symbolise l’Angleterre. Les guerriers celtes qui avaient envahi l’Angleterre quelques siècles plus tôt avaient choisi le dragon comme emblème héraldique, symbole de souveraineté. Le dragon figura sur les boucliers des tribus teutoniques qui envahirent tour à tour l’Angleterre et, jusqu’au XVIe siècle, sur les pavillons de guerre des rois d’Angleterre ainsi que sur les armoiries traditionnellement portées par le prince de Galles.
A l’arrière plan, complètement à gauche, et ici quasiment invisible, les troupes anglaises refluent vers l’intérieur des terres.
Trompé par la formulation narrative du titre du tableau sur le Livret, Diderot n’a donc pas compris le sujet. Il ne s’agit pas essentiellement du discours de Guillaume à ses troupes, mais du face à face des Normands et des Anglais. Lépicié applique de façon magistrale les principes de l’instant prégnant, qui consiste à concentrer l’histoire en un instant artificiel, gros du passé comme de l’avenir : le passé est à droite ; ce sont les navires du débarquement ; l’avenir est à gauche ; c’est l’armée anglaise en déroute. Evidemment, à trop concentrer, on risque l’illisibilité et c’est semble-t-il ce qui est arrivé...
On a remarqué, en plus des fantaisies de costume, une inexactitude historique : Guillaume n’a pas brûlé ses navires ; il les a seulement dématés.
   

Annotations :

2. Achetée par les Bénédictins de Saint-Maur pour orner le réfectoire de l’Abbaye-aux-Hommes de Caen, la toile s’y trouve encore. Elle était rectangulaire à l’origine, mais fut cintrée pour s’encastrer en haut des boiseries. Guillaume le Conquérant était le fondateur de cette abbaye. Il y est enterré, dans l’église Saint-Etienne. Pillée par les protestants au début des guerres de religion, l’abbaye fut rachetée par les Bénédictins de Saint-Maur et entièrement reconstruite et réaménagée au cours du XVIIIe siécle. C’est à cette occasion qu’ils achetèrent à Paris le tableau de Lépicié, qui n’est donc pas une commande, mais dont le sujet, rarement représenté, s’adaptait particulièrement bien à son lieu de destination. Il s’agissait du tableau d’agrément de l’artiste (c’est-à-dire avec lequel il fut agréé par l’Académie royale de Peinture, en 1764). Lépicié sera reçu en 1769 avec « Achille et le centaure Chiron » (voir lien). L’Abbaye-aux-Hommes fut transformée en lycée sous l’Empire, et devint ensuite le lycé

Composition de l'image :
Scène (espace vague/espace restreint)
Objets :
Spectateur au premier plan
Personnage de dos
Les personnages font cercle autour de la scène
Cheval

Informations techniques

Notice #001003

Image HD

Identifiant historique :
A0322
Traitement de l'image :
Scanner
Localisation de la reproduction :
Montpellier, Inst. de rech. sur la Renaissance l’âge classique & les Lumières
Bibliographie :
Diderot, Salon de 1765, éd. E. M. Bukdahl, A. Lorenceau, G. May, Hermann, 1984
Texte p. 240