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Biren trahit Olympe, Roger chez Logistille (Roland furieux, Valgrisi, 1560 ch10)

Attribution incertaine
Date :
Entre 1556 et 1560
Date incertaine
Nature de l'image :
Gravure sur bois
Dimensions (HxL cm) :
21,2x14,2
Sujet de l'image :
RĂ©sac yd 389

Analyse

Au chant IX, Olympe, sacrifiant famille et royaume, a sauvĂ© Biren, prisonnier du roi Cimosque Ă  Dordrecht en Hollande, en implorant l’aide de Roland. Mais Biren tombe amoureux de la fille de Cimosque (X, 10), pourtant promise Ă  son frĂšre.    

Au premier plan de la gravure est reprĂ©sentĂ©e la trahison de Biren. Emmenant avec lui Olympe et la fille de Cimosque, Biren rentre de Hollande, oĂč il Ă©tait prisonnier, mais son vaisseau s’égare sur une Ăźle dĂ©serte (st. 16). À droite sur le bateau sont reprĂ©sentĂ©s Biren (BIR) et deux femmes. Olympe (OL) Ă  gauche, bras croisĂ©s contre la poitrine, tĂȘte inclinĂ©e, est dans la position pudique et chaste. Biren lui tourne le dos pour convoiter la fille de Cimosque.    

Biren ayant fait dresser une tente sur l’üle avait feint de s’endormir avec Olympe. À gauche, Olympe endormie et confiante (OL) ne voit pas que Biren, au centre, reprenant ses vĂȘtements, est en train d’embarquer sur son vaisseau, l’abandonnant sur l’üle. Par une contradiction caractĂ©ristique des compositions narratives, le vaisseau de Biren au premier plan Ă  droite figure Ă  la fois le moment de l’arrivĂ©e dans l’üle (les trois protagonistes sont encore Ă  bord) et celui du dĂ©part nocturne et subreptice sans Olympe.    

Au second plan Ă  gauche, Olympe dĂ©laissĂ©e sur l’üle fait de grands gestes, implorant Ă  droite le retour du bateau qui l’a abandonnĂ©e (st. 23).    

Avec le troisiĂšme plan, on change d’histoire (st. 35). Face Ă  face sont reprĂ©sentĂ©es l’üle d’Alcine (ISOLA DI ALC.) et l’üle de Logistille (ISOLA DEI LOGI.), la fĂ©e de la luxure et la fĂ©e de la raison (en fait, dans le texte, il s’agit de deux parties d’une mĂȘme Ăźle, sĂ©parĂ©es d’un cĂŽtĂ© par un golfe, de l’autre par une montagne inhabitĂ©e. Voir VI, 45). De gauche Ă  droite, Roger (RV) sur son cheval fuit le palais d’Alcine. Trois suivantes d’Alcine essaient de le retarder en le tentant avec les plaisirs du banquet (st. 36). Roger sans s’arrĂȘter s’embarque avec son cheval sur la barque d’un vieux nocher (st. 43), affronte les bateaux d’Alcine (deux bateaux au-dessus de lui) avec son bouclier magique (figurĂ© par les rayons lumineux autour de la barque, censĂ©s Ă©blouir et anĂ©antir l’adversaire ; st. 49) et accoste dans l’üle de Logistille oĂč il est accueilli par quatre dames, Andronique, PhronĂ©sis, Dicille et Sophrosyne (st. 52 ; A., P., D., S.).    

A droite, au premier Ă©tage du palais, Roger (R repris sur la colonne par RV) retrouve Astolphe (A) auprĂšs de Logistille (LO ; st. 64). La fĂ©e MĂ©lisse (ME), qui a rĂ©tabli les prisonniers d’Alcine dans leur apparence humaine et les a fait venir chez Logistille, demande Ă  celle-ci aide et protection pour les deux chevaliers (fenĂȘtre de gauche, st. 65). Sur le toit du palais, on distingue la vĂ©gĂ©tation du jardin suspendu (st. 61), Ă  la maniĂšre du palais de Logistique dans Le Songe de Poliphile.    

Au-dessus, Ă  droite, la flotte de Logistille met le feu Ă  celle d’Alcine, au centre, qui s’enfuit seule en barque (AL. ; st. 54), vers son Ăźle. ComplĂštement Ă  gauche (sous l’enseigne du palais d’Alcine), Roger (RV) tenant l’hippogriphe en bride termine son tour du monde et arrive en Angleterre (INGH, st. 72) oĂč il rejoint Renaud (RIN, un peu au-dessus) envoyĂ© par Charlemagne et passant en revue les troupes qui viendront en renfort pour dĂ©fendre Paris (st. 74). Roger fait une dĂ©monstration de son hippogriffe face aux soldats Ă©merveillĂ©s puis part vers l’Irlande (RV. ; st. 91).    

Tout en haut, de la gauche vers le centre, Roger survole les cĂŽtes d’Irlande (IRLAN Ă  gauche) d’oĂč il voit AngĂ©lique (ANG.) attachĂ©e au rocher sur l’üle des pleurs, qu’habitent les Ebudiens (EBV ; st. 93). Au centre, depuis son hippogriffe Roger ne parvient pas Ă  tuer l’orque avec sa lance (st. 101).    

Roger confie donc Ă  AngĂ©lique l’anneau magique de MĂ©lisse et Ă©blouit l’orque avec le bouclier d’Atlant. Mais il ne rĂ©ussit toujours pas Ă  tuer l’orque. AngĂ©lique supplie alors Roger de laisser l’orque Ă©vanouie, de la dĂ©livrer et de l’emmener. Prenant AngĂ©lique en croupe, Roger passe en Bretagne sur son hippogriphe : l’arrivĂ©e en Bretagne est reprĂ©sentĂ©e au coin supĂ©rieur gauche de la gravure ; l’Irlande fait alors office de Bretagne... Face Ă  AngĂ©lique nue, Roger est alors pris d’un furieux et coupable dĂ©sir.        

La composition d’ensemble de la gravure est tripartite : l’üle oĂč Biren abandonne Olympe dĂ©limite le territoire du bas, consacrĂ© Ă  la contre-performance par excellence qu’est la trahison. Le territoire intermĂ©diaire est occupĂ© par l’üle d’Alcine, dĂ©composĂ©e en deux Ăźles dont la rĂ©partition spatiale est symbolique : Ă  gauche, l’üle d’Alcine est l’üle de la tentation et des plaisirs, allĂ©gorisĂ©s par les trois demoiselles qui entourent Roger et tentent de le retenir avec de la nourriture. A droite, l’üle de Logistille est l’üle de la raison et de la vertu, allĂ©gorisĂ©es par les quatre demoiselles aux noms grecs qui accueillent Roger. La barque oĂč Roger dĂ©voile le bouclier d’Atlant, entre ces deux Ăźles, figure le balancement, le suspens entre les valeurs et les contre valeurs. La refondation symbolique Ă  droite n’est pas chevaleresque, mais humaniste : c’est la raison, non la chevalerie qu’incarne Logistille, qui donne Ă  Roger un harnais pour domestiquer l’hippogriffe, allĂ©gorie de la domestication des passions par la raison. Tout en haut, l’Angleterre, l’Irlande et Ébude constituent le troisiĂšme territoire, du retour Ă  la chevalerie, autour de deux performances : la revue des troupes par Renaud, passage obligĂ© de la littĂ©rature Ă©pique (mĂȘme si l’Arioste accorde plus d’importance aux banniĂšres qu’aux guerriers, aux effets de sens des images qu’à l’évocation des noms), et le combat de Roger contre l’orque.

Annotations :

1. Gravure en verso, sur page de gauche. NumĂ©ro de page en haut Ă  gauche, 90, En-tĂȘte centrĂ© CANTO [DECIMO, p. 91].
3. Francescchi représente non le retour furtif et honteux de Biren, mais sa descente du bateau, ostensiblement galante : il donne la main à Olympe. Le retour de Biren est relégué au second plan.

Sources textuelles :
Roland furieux, chant 10 (Biren trahit Olympe, Roger et l’orque)
Sujet de recherche :
Iconographie du Roland furieux

Informations techniques

Notice #001308

Image HD

Identifiant historique :
A0627
Traitement de l'image :
Scanner
Localisation de la reproduction :
Collection particuliĂšre (Cachan)