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Lafleur et Saint-Florent avec une fillette (Nlle Justine, 1799, ch17, fig32)

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Date :
Entre 1797 et 1799
Nature de l'image :
Gravure sur cuivre
Sujet de l'image :
Enfer 2507 (4)

Analyse

Enfin libérée du libertin Gernande et de sa famille, Justine retrouve Saint-Florent, qui l'avait déflorée quelques années auparavant. Celui-ci lui propose de devenir sa maquerelle : elle refuse. Pour se venger, Saint-Florent organise, avec son valet Lafleur, une débauche qui a pour victimes Justine et une fille de huit ans. C'est celle-ci qui est prise par Saint-Florent, au centre de la gravure. Pendant ce temps, Lafleur étendu sur le lit « attire Justine sur lui, l'enconne, la contient dans ses bras » et dans ses jambes, ce qui permet de présenter les fesses de Justine aux regards de Saint-Florent. Celui-ci peut alors, « armé d'une longue aiguille d'acier » (p. 968), piquer ses fesses qui ruissellent de sang jusque sur le visage de la fillette de huit ans placée juste en-dessous.
L'aiguille permet de relier le groupe de Saint-Florent et de la jeune fille avec le groupe de Lafleur et de Justine, et de mettre en avant les fesses de Justine vers lesquelles convergent la plupart des gestes et des regards. L'objet du regard est la pointe de l'aiguille, punctum de l'image. (Ce punctum n'est pas celui, subjectif et aléatoire, que Barthes analyse dans La Chambre claire : construit comme point de convergence du dispositif, il est objectivé.)

Les deux libertins, placés de part et d'autre des deux victimes qu'ils contiennent, encadrent l'action sur le lit et dessinent un cône visuel dont la pointe, en bas à gauche est la culotte ostensiblement déboutonnée jetée à terre, et la base, à droite, l'encadrement du lit à baldaquin : le déploiement scopique du fantasme procède de l'aphanisis du phallus (son apparition-disparition) et tourne en dérision l'adoration du tabernacle, que le lit parodie. On peut suivre étape par étape le processus de cette profanation : la culotte, le pénis de Saint-Florent, l'aiguille, les rideaux tabernaculaires du lit.
Perpendiculairement au cône visuel dans lequel la scène libertine est enserrée, le fauteuil, au premier plan à droite, constitue pour le lecteur l'embrayeur visuel par où entrer dans la scène. La scène est vue et éclairée de biais, selon le principe classique du quart de tour scénique.
De ce point de vue, l'origine du regard est le fauteuil, et sa visée, au-delà de ce qui se passe sur le lit, est la porte fermée au fond à gauche, signifiant la clôture, l'enfermement dans la chambre. Dans cette scène de cauchemar où les ombres des murs et des objets sont nettement marquées, les personnages ne projettent aucune ombre : ce sont des spectres.

Annotations :

1. Au-dessus de la gravure à gauche « T. IV. », à droite « P. 35. »

Objets :
Sol quadrillé
Porte
Ciel de lit
Sources textuelles :
Sade, Donatien Alphonse François, marquis de (1740-1814)
La Nouvelle Justine, Chapitre XVII, Pléiade, p. 967

Informations techniques

Notice #001670

Image HD

Identifiant historique :
A0989
Traitement de l'image :
Image web
Localisation de la reproduction :
https://gallica.bnf.fr