Pamela & Miss Darnford avec Mr B. Ă la Mascarade (Pamela 1742, vol 4) - Gravelot
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Analyse
M. B a persuadĂ© PamĂ©la dâaccompagner Miss Darnford dans ce bal masquĂ© :
« Lâhabit que M. BâŠâŠ choisit, fut celui dâun Seigneur Espagnol : il convenoit fort bien Ă son air grand & majestueux. Mademoiselle Darnford prit celui dâune jeune veuve. M. BâŠâŠâŠ me conseilla de mâhabiller en Quaker. Nous nous admirĂąmes rĂ©ciproquement dans ce nouvel Ă©quipage, & M. BâŠâŠpromettant dâavoir toujours lâĆil sur mpoi, nous montĂąmes en carrosse, & arrivĂąmes au lieu de lâassemblĂ©e. Je ne souhaite pas dây retourner jamais. M. B⊠fut tirĂ© Ă part par une Nonne hardie, qui lui parloit Italien, & qui avoit des manieres si libres, que tout cela ne me plaisoit pas beaucoup, quoique je ne susse que dire ; car il me sembloit que ce cher Monsieur nâĂ©toit pas plus retenu dans sa gravitĂ© Espagnole, que la Nonne par lâhabit quâelle portoit. Je mâĂ©tois cependant imaginĂ©e que ce qui rendoit la mascarade supportable, Ă©toit une consuite conforme [127] au caractere des personnes dont on prenoit lâhabit. » (PamĂ©la, Rouen, Vve P. Dumesnil, 1782, t. VII, p. 126.)   Â
La gravure renvoie au moment oĂč PamĂ©la et Mlle Darnford, au centre, sont accostĂ©es par deux dames dĂ©lurĂ©es, Ă droite. On distingue Ă gauche M. B en costume espagnol et derriĂšre lui lâaccorte Nonne avec laquelle il a un moment disparu. Au-dessus dâeux, la tribune des musiciens.   Â
« M. BâŠ. fut plus attaquĂ© par les Dames, que nous ne le fĂ»mes par les Messieurs. La beautĂ© de sa personne, lâair de grandeur qui y brilloit, & ses manieres si conformes Ă son habit (si lâon en excepte sa conduite avec la Nonne, oĂč je croyois entrevoir plus d elibertĂ© Française que de gravitĂ© Espagnole) lui attiroient plusieurs admirateurs. Leur admiration augmenta encore lorsque le Ministre dâEspagne, qui se trouvoit dans lâassemblĂ©e habillĂ© Ă la FRançaise, lui ayant adressĂ© la parole en Espagnol, M. BâŠ. lui eut rĂ©pondu fort poliment dans la mĂȘme langue. Bien diffĂ©rent en cela de plusieurs personnes qui, dans ces occasions, prennent lâhabit dâune Nation dont elles ignorent la langue.   Â
Il y avoit grand nombre dâautres figures Ă©galement grotesques. Plusieurs Ă©tient en bonnets avec des clochettes ; dâautres en polichinelles ; quelques-uns en Arlequins ou en dâautres habits de ThĂ©atre de ce genre, sautants & courants de cĂŽtĂ© & dâautre comme des enragĂ©s. Ils sembloient vouloir dĂ©montrer que tout leur esprit Ă©toit dans leurs talons.   Â
Deux Dames, dont lâune portoit un habit de diverses couleurs tout-Ă -fait bizarres, avec un plumet, & lâautre Ă©toit habillĂ©e en PaĂŻsanne, avec une guirlande de fleurs autour de la tĂȘte, se firent beaucoup remarquer par les libertĂ©s quâelles se donnoient, ayant toujours quelque chose Ă dire Ă tout le monde. Elles se sĂ©parient aussi rarement que mademoiselle [131] Darnford & moi, & elles Ă©toient suivies de la foule par-tout oĂč elles alloient.   Â
Celle qui avoit lâhabit bigarrĂ© sâapprocha de moi. Amie, dit-elle, il y a quelque chse dans ta personne qui attire lâattention dâun chacun ; mais si un sac nâavoit pas Ă©tĂ© une chose profane, il tâauroit presque aussi-bien convenu que cet habit.   Â
Je te rends graces de ton conseil, amie, lui rĂ©pondis-je. Mais si tu avois eu la bontĂ© de faire attention Ă toi mĂȘme, tu nâaurois pas pris autant de peine pour associer ce conseil avec lâĂ©quipage oĂč je te vois.   Â
Chacun se mit Ă rire ; & un de ceux qui mâavoient entendu dit : le papillon a rencontrer quelquâun pour lui tenir tĂȘte. Â Â Â
Elle rĂ©pliqua avec un rire affectĂ© : vigoureusement rĂ©pondu ! mais es-tu venue ici, amie, pour faire brille rta lumiere devant les hommes ou devant les femmes.   Â
En vĂ©ritĂ©, amie, rĂ©partis-je, ce nâest pour briller ni devant les uns ni devant les autres que je suis ici, mais par pure curiositĂ©, pour pĂ©nĂ©trer dans le cĆur des personnes de lâun & de lâautre sexe, oĂč je lis au moyen de leur habillement.   Â
Par la Messe, sâĂ©cria un fat de Moine, câest lĂ une satyre gĂ©nĂ©rale de toute lâassemblĂ©e.   Â
La Nonne, sâapprochant de nous, dit : nous sommes tous intĂ©ressĂ©s dans les remarques de lâamie.   Â
Mon dessein, rĂ©pondis-je, ne tournera pas au dĂ©shonneur dâune belle Nonne, si sa conduite rĂ©pond Ă son habit. Ni Ă celui dâune vĂ©nĂ©rable frere, ajoutai-je en me tournant du [132] cĂŽtĂ© du Moine, si son cĆur ne dĂ©shonore pas lâhabit quâil porte. Ni Ă celui dâune paysanne, continuai-je, en mâadressant Ă la compagne de la Dame bigarrĂ©e, si elle nâa pas dans le cĆur de mauvaises plantes qui ternissent lâĂ©clat des fleurs dont elle orne sa tĂȘte. »
1. En haut à droite « Vol. IV. p. 108. ». En bas à droite « H. Gravelot ⊠»
Informations techniques
Notice #004495