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Le Christ et la femme adultère (version de Rome) - Tintoret

Date :
1546
Nature de l'image :
Peinture sur toile
Dimensions (HxL cm) :
118,5x168 cm
CAL-F-012296-0000
Mentions dans l'image

Analyse

La scène est censée se passer dans le Temple de Jérusalem, où le Christ délivre son enseignement au peuple. Les scribes et les Pharisiens lui amènent une femme adultère, elle doit être lapidée. Le Christ se baisse sans rien dire et écrit quelques mots de son doigt sur le sol (l'évangile ne dit pas ce qu'il écrit). Vient alors la phrase célèbre : « Que celui d'entre vous qui est sans péché jette le premier la pierre contre elle ». Les Pharisiens en entendant cela s'en vont, jusqu'à ce que le Christ reste seul face à la femme adultère : personne ne l'ayant condamnée, il l'absout et la renvoie.

Par rapport au récit évangélique, le Tintoret prend quelques libertés. Dans une galerie couverte agrémentée de plusieurs rangées de colonnes, le Christ est assis sur un banc de pierre face à la femme adultère, vêtue de velours bleu-vert. Il vient d'écrire quelques mots au sol, la femme les lit. Derrière lui, les Pharisiens se regardent les uns les autres, incrédules. A droite et au fond des passants se retournent et esquissent un mouvement de recul devant le scandale.

Le Tintoret transforme et condense le récit : nous sommes au moment du verdict, à la fin donc du récit. Le Christ tourné vers la femme adultère semble bien l'interroger, mais plutôt du regard que par la parole. Son verdict, ce sont les mots qu'il a écrits sur le sol, et que la femme adultère lit avec surprise. Autour d'eux mais à distance, il y a foule, mais un vide s'est creusé au centre de la scène : est-ce la femme adultère, ou plutôt est-ce le Christ qui fait scandale ? Les rayons X révèlent que le Tintoret a peint d'abord la femme nue, prenant probablement comme modèle une des prostituées du quartier de la paroisse San Cassiano où il vivait.

La composition se déploie dans un espace qui est celui de la scène théâtrale de la Renaissance italienne : au premier plan, le proscenium où évoluent les personnages. Le second plan est occupé par les colonnades du frons scenae et la perspective d’architecture qui donne l’illusion de profondeur. Cette colonnade ajourée rend visible le décor de fond, qui représente un paysage (peu compatible avec l'intérieur supposé du Temple !). Pour réaliser sa première grande composition architecturale, et notamment le sol dallé (dont les rayons X révèlent de nombreux repentirs), le Tintoret s'inspira des traités d'architecture de Sebastiano Serlio, architecte et spécialiste des décors de théâtre. Il compte d’ailleurs parmi ses amis les plus proches Andrea Calmo, dramaturge et acteur. Il se fabriqua une maquette en bois, sorte de petit théâtre où il pouvait disposer les figurines des personnages à peindre.

Annotations :

1. Le Christ écrit au sol, pour attirer l’attention des Pharisiens qui s’apprêtent à condamner la femme adultère.

3. Le Tintoret a réalisé plusieurs Femmes adultères, celle-ci est la première. Une version plus tardive est à Dresde, une autre dans la collection Monti de Milan, une autre au Rijksmuseum d'Amsterdam (version d'atelier, 1555). Contrairement aux versions de Rome et d'Amsterdam, les versions de Dresde et de Milan représentent le Christ se retournant. Il se retourne car il était occupé à des actions plus importantes, soigner ou guérir un paralytique, une femme et son bébé… La femme adultère le dérange, il ne faudrait pas que cela dure trop longtemps. Dans la version de Rome, Tintoret cherche encore à produire une vraie scène, dont le silence éloquent (pas très facile à déchiffrer à vrai dire !) installe un véritable suspens dramatique.
Avant de peindre cette Femme adultère, Tintoret avait réalisé un Salomon et la reine de Saba, actuellement à Vienne : d'une certaine manière, le Christ, face à la femme adultère, rend un jugement de Salomon.

Objets :
Inscription
Colonnade
Sources textuelles :
Évangile de Jean
VIII,1-11 (Bible de Jérusalem, p. 1835)

Informations techniques

Notice #005752

Image HD

Identifiant historique :
A5071
Traitement de l'image :
Image web
Bibliographie :
Roland Krischel, Le Tintoret, Könemann, 2000
n° 21, p. 26 et comm. p. 26-28