Les tombeaux (Paul et Virginie, 1806)
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Analyse
« La sixiĂšme et derniĂšre planche a pour titre, Les Tombeaux, et pour inscription, On a mis auprĂšs de Virginie, au pied des mĂȘmes roseaux, son ami Paul, et autour dâeux leurs tendres mĂšres et leurs fidĂšles serviteurs. Elle reprĂ©sente une allĂ©e de bambous qui conduit vers la mer ; elle est Ă©clairĂ©e par les derniers rayons du soleil couchant : on aperçoit, entre quatre gerbes de ces bambous, trois tombes rustiques sur lesquelles sont Ă©crits, deux Ă deux, les noms de la Tour et de Marguerite, de Virginie et de Paul, de Marie et de Domingue. On voit, un peu en avant de celle du milieu, le squelette dâun chien : câest celui de FidĂšle, qui est venu mourir de douleur, prĂšs de la tombe de Paul et de Virginie.
On nâaperçoit dans cette solitude aucun ĂȘtre vivant ; ici reposent Ă jamais, sous lâherbe, tous les personnages de cette histoire : les premiers jeux de lâheureuse enfance de Paul et de Virginie sur des genoux maternels les amours innocents de leur adolescence, les dons funestes de la fortune, leur cruelle sĂ©paration, leur rĂ©union encore plus douloureuse, nâont laissĂ© prĂšs de leurs humbles tertres aucun monument de leur vie. On nây voit ni inscriptions, ni bas-reliefs. Lâart nây a gravĂ© que leurs simples noms, mais la nature y a placĂ©, pour tous les hommes, de plus durables et de plus Ă©loquents ressouvenirs. Ces roseaux gigantesques qui murmurent toujours, agitĂ©s par les moindres vents, comme les faibles et orgueilleux mortels ; ces flots lointains qui viennent, lâun aprĂšs lâautre, expirer sur le rivage, comme nos jours fugitifs sur celui de la vie ; ce vaste ocĂ©an dâoĂč ils sortent et retournent sans cesse, image de lâĂ©ternitĂ©, nous disent que le temps nous entraĂźne aussi vers elle.
Je dois le dessin de cette composition mĂ©lancolique et touchante Ă M. Isabey. Son amitiĂ© a voulu mâen faire un prĂ©sent dont je mâhonore. Je mâĂ©tais adressĂ© Ă lui pour exĂ©cuter ce sujet, oĂč il ne devait y avoir aucun personnage vivant ; et jâĂ©tais sĂ»r dâavance quâil rĂ©ussirait par lâart particulier que je lui connais dâharmonier la lumiĂšre et les ombres, et dâen tirer des effets magiques. Il a rĂ©ussi au-delĂ de mes espĂ©rances. Il a rendu les bambous avec la plus exacte vĂ©ritĂ©. Leur perspective fait illusion. Il est si connu et si estimĂ© par ses portraits dâune ressemblance frappante, par ses grandes compositions, telles que Bonaparte passant ses gardes en revue, que ses ouvrages nâont pas besoin de mes Ă©loges. Celui-ci suffirait pour rendre mon Ă©dition cĂ©lĂšbre.
Lâeau-forte en a Ă©tĂ© faite par M. Pillement le jeune qui excelle, au jugement de tous les graveurs, Ă faire celle des paysages. Elle a Ă©tĂ© terminĂ©e au burin par M. Beauvinet, dont jâai dĂ©jĂ parlĂ© avec Ă©loge. Il suffit de dire que lâauteur du dessin a Ă©tĂ© trĂšs satisfait de lâexĂ©cution de ces deux artistes. » (PrĂ©ambule de Bernardin de Saint-Pierre Ă lâĂ©dition de 1806)
1. SignĂ© sous lâimage Ă gauche « TerminĂ© par Bovinet », au centre « DessinĂ© par Isabey », Ă droite « Pillement fils ».
Informations techniques
Notice #012949