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Supplice de la famille de Carle-Son (Juliette, V, fig. 44)

Date :
Entre 1797 et 1801
Nature de l'image :
Gravure sur cuivre
Sujet de l'image :
Enfer 2507 (9)

Analyse

La scĂšne se passe Ă  Naples. Le capitaine de Carle-Son livre aux libertins une famille, qui n’est autre que celle de Carle-Son : sa femme Rosine, Ă©pousĂ©e Ă  Copenhague, deux filles, Christine et Ernelinde, et un fils, Francisque. Carle-Son tient Ă  exprimer son dĂ©vouement : qu’ils en fassent absolument ce qu’ils en veulent ! (P. 1004.)
AprĂšs avoir Ă©tĂ© suppliciĂ©s, les quatre malheureux sont dressĂ©s sur la table, comme en apprĂȘt du souper, tandis que les libertins jouissent Ă  terre sur des coussins.

« “Rosine, prenez ce poignard”, dit sĂ©vĂšrement le capitaine, “plongez-le dans le cƓur de votre fils, que son pĂšre lui-mĂȘme va tenir
 — Non, barbare”, s’écria cette mĂšre au dĂ©sespoir, et elle se perçait si je n’eusse retenu son bras. “Ah ! garce, tu obĂ©iras”, s’écrie Carle-Son furieux, et saisissant la main de sa femme, il conduit lui-mĂȘme le poignard dans le sein de son fils. Clairwil, jalouse de voir qu’on procĂšde sans elle au meurtre de ce jeune homme, elle qui ne respire que pour les meurtres masculins, saute sur un second poignard, et vient cribler ce malheureux de coups mille fois plus sanglants ; alors Rosine est couchĂ©e sur une banquette de bois, trĂšs Ă©troite, et lĂ  Borchamps veut qu’Ernelinde ouvre, avec un scalpel, le ventre de sa mĂšre ; l’enfant se refuse, on la menace : effrayĂ©e, meurtrie, excitĂ©e par l’espoir de sauver sa vie si elle consent, sa main, conduite par celle de Carle-Son, cĂšde aux barbares impulsions qu’on lui donne. “VoilĂ  oĂč tu as reçu l’existence”, dit ce pĂšre cruel, dĂšs que l’ouverture est faite, “il faut que tu rentres dans la matrice dont tu es sortie” ; on la garrotte, on la comprime tellement, qu’à force d’art, la voilĂ  toute vive dans les flancs qui la lancĂšrent autrefois. “Pour celle-là”, dit le capitaine, en parlant de Christine, “il faut la lier sur le dos de sa mĂšre ; voyez”, dit-il quand cela est fait, “s’il est possible de rĂ©duire trois femmes en un si petit volume ! — Et Francisque, dit Clairwil ! — On te le donne, rĂ©pond Borchamps, va dans un coin l’expĂ©dier Ă  ta guise
 — Suis-moi, Juliette”, dit Clairwil en emmenant le jeune homme dans un cabinet voisin
 et lĂ , comme des bacchantes effrĂ©nĂ©es, nous faisons expirer ce malheureux jeune homme, dans tout ce que la fĂ©rocitĂ© peut imaginer de plus cruel et de plus raffinĂ©. Carle-Son et Borchamps nous trouvĂšrent si belles au sortir de lĂ , que tous deux voulurent nous foutre ; mais la jalouse BorghĂšse s’écrie qu’il ne faut ni faire languir les victimes, ni retarder les plaisirs qu’on attend de leur supplice ; on revient Ă  cette opinion, et comme il est tard, on dĂ©cide que le souper sera servi en mĂȘme temps. “En ce cas”, dit la BorghĂšse qui acquĂ©rait le droit d’ordonner, n’ayant point participĂ© aux tourments de Francisque, “il faut placer ces victimes, droites sur la table ; le premier de nos plaisirs d’abord, se recevra de l’état oĂč elles sont, qui je crois, est des plus violents ; le second, de l’effet des coups que nous leur porterons lĂ . — Oui, qu’on les place, dit Clairwil ; mais je veux foutre avant que de souper. — Et avec qui, dis-je Ă  mon amie, ils sont tous rendus. — Mon frĂšre, reprend l’insatiable crĂ©ature, fais-nous venir les dix plus beaux soldats de ta troupe, et donnons-nous-en comme des garces.” La troupe paraĂźt ; BorghĂšse, Clairwil et moi, nous nous jetons en bravant les vits qui nous menacent, toutes trois Ă  terre, sur des carreaux mis Ă  dessein : Elise et Raimonde servent nos plaisirs. Sbrigani, le capitaine et Carle-Son s’enculent en nous regardant, et pendant quatre grandes heures, au bruit des lamentations de nos victimes, nous voilĂ  toutes trois Ă  foutre comme les plus grandes gueuses de l’univers : nos champions, rendus, sont congĂ©diĂ©s. »

Annotations :

1. Au-dessus de la gravure à gauche « T. IX. », à droite « P. 228. »

Sources textuelles :
Sade, Donatien Alphonse François, marquis de (1740-1814)
Histoire de Juliette, Ve partie, Pléiade p. 1012-1014

Informations techniques

Notice #013666

Image HD

Identifiant historique :
B2985
Traitement de l'image :
Image web
Localisation de la reproduction :
https://gallica.bnf.fr