Machine Ă inventer les livres (Gulliver, tr. fr., La Haye, 1727)
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Analyse
La machine est dâabord Ă©voquĂ©e quelques pages plus haut :
« AprĂšs les premiers Complimens, remarquant que je regardois avec atention une Machine, qui occupoit presque toute la Chambre, il dit que jâĂ©tois peut ĂȘtre surpris de ce quâil avoit formĂ© le Dessein de se servir dâOperations Mechaniques pour lâaugmentation des Connoissances speculatives. Mais que le Public ne tarderoit guĂšres Ă sentir lâutilitĂ© de cette Methode, & quâil se flatoit que jamais Homme nâavoit rien inventĂ© d eplus beau. Personne nâignore, poursuivit-il, combien est laborieuse la Methode ordinaire dâauqerir de certaines sciences ; au lieu que par lâinvetion, dont je vous parle, lâHomme du monde le plus ignorant, peut, avec peu de peine & presque point de Depense Ă©crire sur la Philosophie, la POĂ«sie, la POlitique, els Loix, les Mathematiques, & la Theologie ; & cela sans avoir ni genie ni Etude. Il me fit aprocher alors de la Machine, que se sDisciples rangez en ordre, encironnoient de tous cotez. Elle avoit vingt pieds en quarrĂ©, & Ă©toit placĂ©e au milieu de la Chambre. Sa suerficie Ă©toit composĂ©e de diferentes piĂ©ces de bois, dâenviron la grosseur dâun DĂ© Ă jouer, mais les unes un peu plus larges que les autres. Elles Ă©toient toutes atachĂ©es ensemble par des Fils fort deliez. Ces morceaux de Bois Ă©toient couverts de papier exactement apliquĂ© sur chaque QuarrĂ©, & sur ce spapiers Ă©toient Ă©crits tous les mots de leur Langue dans leurs diferens Moes, Tems, & Declinaisons, ais sans aucun ordre. Le Professeur me pria dâĂȘtre atentif, parce quâil aloit mettre sa Machine en Oeuvre. Il y avoit quarante Manches de Fer attachez autour d ela Machine, dont ses Disciples sur son ordre empoignĂ©rent chacun un ; aprĂšs cela par un tour d emain quâils leur donnĂ©rent, je vis que toute la disposition des mots Ă©toit entiĂ©rement changĂ©e. Il commanda alors Ă trente six de ses Ecoliers de lire tout bas les diferentes lignes qui venoient de paroitre sur la Machine. Que sâils trouvoient trois ou quatre mots ensemble qui pouvoient former une partie de phrase, ils Ă©toient obligez de les dicter aux quatre autres garçons qui Ă©toient les Secretaires. Cet Ouvrage Ă©toit repetĂ© trois ou quatre fois, & Ă chaque fois lesmots se trouvoient disposĂ©s dâune nouvelle maniĂ©re. Les jeunes Etudiants employoient six heures par jours Ă ce Travail, & le Professeur me montra plusieurs Folio, quâil avoit composez de differentes Phrases imparfaites, quâil avoit Dessein de coudre ensmeble, pour fair eun jour de tous ces riches materiaux un systeme complet de tous les Arts & de toutes les SciencesâŠÂ » (p. 46-47)
Page 48, face Ă la gravure :
« Je fis les plus humbles remerciemens Ă cet illustre personnage de la facilitĂ© avec laquelle il venoit de me fair epart dâun si beau Dessein, & lui promis, que si jâavois jamais le bonheur de revoir ma Patrie, je lui rendrois la justice de le reconnoitre pour seul Inventeur de cette Merveilleuse Machine, dont je lui demandai la permission de tracer la forme sur du papier ; il le voulut bien, & câest Ă sa complaisance que le Lecteur a lâobligation de la Figure cy-jointe. »
1. Au-dessus de la gravure à gauche « Fig. V. », à droite « Tom. II. Page 48. »
2. Gravure insérée face à la page 48 du premier volume, Tome II, part. 3, chap. 5.
Informations techniques
Notice #017255